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Pondéralement vôtre...
3 décembre 2008

Je ne m'imagine pas autrement.

Svelte. C'est comme ça que je m'imaginais. Elancée, aux formes parfaitement dessinées, la silhouette harmonieuse. C'est ainsi que je me représentais dans un futur que je voulais croire certain. Convoitée, admirée, désirée. Désirée. C'est ce que je voulais être aux yeux pointilleux qui croiseraient mon chemin. Parce que je voulais être belle comme les filles de mon âge. Vivre moi aussi les amours adolescentes. Je voulais mériter autre chose que les remarques désagréables et véhémentes à propos de ma surcharge pondérale, - c'est ainsi que les médecins en tous genres l'appelaient. Je voulais qu'on me porte de la considération, de l'intérêt. Tout simplement. Tout simplement exister. J'existais pourtant. J'existais, comme moi, quatre vingt kilos bien pesés, mais pas pour autant de personnes que je le souhaitais. Une hantise. Une hantise continuelle. Mon poids devînt un fardeau que je ne voulais pas porter ad vitam æternam. Face à mon reflet dans le miroir, tous les regards vindicatifs qu'on m'avait portés se rejoignaient dans mon propre regard: je m'exécrais infiniment. Je palpais avec dégoût ce putain de ventre à deux rebonds peu discret sous mes vêtements. Je les pressais dans le creux de mes mains, tragiquement, comme pour les écraser entre mes doigts rugissants, les faire disparaître. Jamais en jupe. Grands tee-shirts larges. Jamais les bras nus. Longs pantalons amples. Il ne fallait pas que ça colle à la peau. Je me cachais, honteuse de ce corps que les autres n'aimaient pas regarder, ou alors juste pour avoir une franche partie de rigolade. Triste. J'étais en somme triste. Triste de ce que j'étais. Triste de ce que les autres étaient. En marchant au milieu de la foule je croisais toujours mes deux mains sur mon ventre, portais toujours une veste noire avec des manches longues même en pleine canicule estivale. Qu'on ne voit pas ! Surtout ! Qu'on ne voit pas ! Il ne fallait pas qu'un seul centimètre carré des parties de mon corps qui me complexaient ne soient vues. Me dénigrer était un jeu masochiste quotidien. Les autres aimaient et riaient. L'autodérision, aussi douloureuse soit-elle, m'offrait la merveilleuse impression de m'intégrer parmi eux. Eux, les gens normaux. Mais au fond, il y avait toujours moi et eux.  Je n'assumais pas. Personne ne m'aidait à assumer d'ailleurs!

Aujourd'hui, je ne m'imagine pas autrement.110 kilos bien pesés, bien portés, assumés, appréciés.

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